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L’ECOLE de BEAUVALLON a commencé en
Septembre 1929.
Elle a donc 45 ans d’ancienneté. Cela fait déjà un recul suffisant pour
pouvoir
en juger un peu le déroulement. Des anciens élèves, des collaborateurs,
me demandent
d’en écrire l’histoire.
J’ai beaucoup hésité car
j’aime beaucoup mieux parler
qu’écrire, et j’ai bien peur de ne pas pouvoir présenter cette histoire
d’une
façon attrayante. Mais je crois qu’elle peut aider des jeunes qui
veulent créer
une communauté.
Avant de commencer l’histoire
de l’Ecole-même, il
faut remonter plus haut encore, en 1917, date de l’établissement de la ”Pension
de Beauvallon” dont la réussite a permis cette
deuxième réalisation.
La
Pension et
l’Ecole sont construites à Dieulefit, petit village dans le sud de la Drôme, car ma
famille est
dieulefitoise depuis plusieurs générations, et m’établir dans ce pays
semblait
tout naturel.
Dieulefit, il y a 60 ans, était comme une grande
famille ; tout le monde se connaissait. On va chez les uns et les
autres et il
dhumaine, dans
laquelle j’ai
vécu pendant toute mon enfance et ma jeunesse, m’a donné, je pense, une
confiance dans la vie et dans les hommes, un optimisme inaltérable qui
ne m’ont
jamais quittée et que ma vie n’a fait que développer.
- 2 -
De là me vient cette fois l’idée de
l’influence du
milieu et de l’environnement dans l’éducation des enfants. A 17 ans,
j’avais
déjà comme idée directrice d’aider les autres comme j’avais été aidée,
et j’ai
donc choisi la profession d’infirmière.
Durant deux ans, j’ai été élève à l’Ecole de
la rue
Amyot, dirigée par Mlle Johannès (?), et là encore, j’ai trouvé un
climat de
collaboration et d’amour qui n’a fait que confirmer mes impressions
d’enfant.
En 1916, une de mes amies et moi-même avons
fléchi du
point de vue santé et les médecins nous ont prescrit quelques mois de
repos. La
question se posait : où aller ? Pas de Sécurité Sociale, pas ou peu de
maisons
de repos, et nous avons échoué dans un hôtel près de Chamonix, dirigé
par de
très braves gens, mais sans aucun confort ni environnement agréable.
Rentrées à Dieulefit, on nous conseille de ne
pas
retourner en ville mais de nous installer à la campagne. Nous avions
tant
désiré une maison confortable, jolie et bon marché pour nous reposer,
que nous
décidions alors de fonder une telle maison pour pouvoir offrir à des
jeunes
dans notre cas tout ce qui nous avait manqué.
Mes parents possédaient une petite ferme, à
trois
kilomètres de Dieulefit, qu’ils nous ont cédée très volontiers. Cette
ferme
n’avait que trois chambres habitables et, heureusement, des écuries,
des
greniers à foin, etc. Toutes ces dépendances sont très intéressantes
quand on
achète une ferme.
Nous logions chez nos parents à Dieulefit.
Il n’était pas question de prendre un
architecte : où
aurions-nous pris l’argent nécessaire ? Nous étions persuadées qu’une
entreprise n’ayant pas un but personnel mais répondant à une nécessité
était
sûre de réussir. Aussi avons-nous embauché des ouvriers, et tous les
jours
j’allais à bicyclette travailler avec eux. D’ailleurs, nous vendons une
partie
de la propriété de Beauvallon pour que le fermier accepte de partir, et
cette
vente nous donne l’argent nécessaire pour commencer.
Les parents de mon amie, mes frères, pouvaient
aussi
nous aider un peu au début, et nous avons entamé courageusement les
aménagements. Nous avons arrangé : cuisine, salle à manger et deux ou
trois
chambres. Immédiatement, nous avons eu des pensionnaires qui, très
vite, sont
devenus des amis.
Et la grande aventure commença.
-3-
Ce ne furent pas des journées de huit heures
qui
auraient suffi, et je voudrais bien dire à tous ceux qui veulent créer
quelque
chose : “Vous aurez des années dures à passer au point de vue
travail et il
faut s’y mettre tout entier”. D’ailleurs, il y a une joie énorme à
voir se
transformer par vos efforts les bâtiments que vous achetez, à faire des
plans,
à prévoir les besoins futurs. Vous serez récompensés au centuple de vos
efforts.
Au bout de quelques semaines, nous pouvions
habiter
sur place. A peine avions-nous une chambre prête qu’elle était occupée,
et nos
pensionnaires devenus très vite nos amis. Nous vivions dans un climat
de
compréhension et d’aide mutuelle.
Il fallait, non seulement arranger la maison,
mais
organiser le terrain aux alentours : labourer, soigner les animaux
(vaches,
cochons, etc.), faire la cuisine... Là encore, ce furent des années
remplies de
joie et nous avons oublié très vite toutes les difficultés matérielles
ou
autres que nous avons rencontrées.
Vous ne devinerez jamais le premier travail
qu’il y a
eu à faire avant même d’habiter la maison. Les fermiers, nos
prédécesseurs,
n’avaient pas de W.C., ce qui était courant à l’époque. Ils avaient
installé un
abri en planches avec une fosse creusée à même le sol, à l’entrée de la
cour.
Il fallait donc, en premier lieu, se débarrasser de ce lieu mal odorant
après
l’avoir remplacé par quelque chose de plus hygiénique. Mais qui trouver
pour le
faire ? Personne n’était très enthousiaste, et je m’y suis mise
courageusement
avec un seau et une épuisette. Dire que c’était agréable, non ! mais
j’avais
tellement la conviction que si on commence quelque chose il faut
pouvoir mettre
la main à tout, et que s’il y avait des ouvrages particulièrement
désagréables,
c’était à moi de les faire... Et puis j’avais déjà l’opinion un peu
informulée
et que Monsieur BERNSON nous a si bien énoncée plus tard, que tout peut
être
une occasion de se renouveler, de se nettoyer l’esprit... Là vraiment,
je me
suis débarrassée de préjugés de dégoûts non motivés, et j’ai compris
que la vie
se construit non seulement par des actes choisis mais en acceptant tous
les
actes nécessaires qui se présentent. Donc, j’ai fait ce nettoyage à
fond...
Quelques douches avec de l’eau de Cologne ont été nécessaires pour
mettre en
accord corps et esprit...
Dans une construction à rénover, il y a un
problème
que j’ai trouvé difficile à résoudre : c’est celui des escaliers. On ne
sait
jamais où les faire partir et où les faire aboutir pour qu’ils ne
prennent pas
trop de place. C’est le seul point noir de mes souvenirs.
Nous avons dû acheter un mulet pour nous
permettre de
monter les matériaux nécessaires et ce “Bijou” deviendra un auxiliaire
bien
utile. A la ferme, nous avions trouvé un break et une charrette, tout
ce qu’il
fallait.
Je n’avais jamais touché un cheval, mais quand
il est
nécessaire de faire quelque chose, on le fait ! La première fois que je
suis
descendue en break à Dieulefit, ma mère et sa fidèle compagne, ma
seconde mère,
Emilie, voulurent absolument m’accompagner pour partager mes dangers.
Elles
recommandèrent leur âme à Dieu et nous partîmes courageusement mais au
fond,
pas rassurées du tout. Tout marcha à merveille mais je n’ai jamais été
très
détendue en conduisant le break. J’aime beaucoup mieux conduire une
auto...
mais c’était beaucoup plus facile d’aller à Dieulefit avec une
charrette plutôt
qu’avec une brouette pour ramener les matériaux...
Il nous fallait aussi une vache, mais nous
n’avions
pour la loger qu’une écurie à cochons qui n’était ni très large ni très
longue
; cette pauvre vache ne pouvait sortir qu’à reculons et il fallait
l’aider en
la tirant par la queue. Toutes les sorties étaient épiques et que de
fous rires
nous avons pris à ce sujet ! Il m’a bien fallu apprendre à traire, et
c’est
dur. En y pensant, je sens encore le mal au bras que j’avais tous les
matins
après vingt minutes de cet exercice.
J’avais eu, de la part de mes frères, comme
cadeaux
d’anniversaire, deux jolis petits cochons (Mars et Vénus) qui furent
très vite
apprivoisés et qui nous ont appris que les cochons bien élevés et aimés
sont
mélomanes.
La salle à manger donnait sur la cour par une
grande
fenêtre, et quelle ne fut pas notre surprise de voir deux petits
cochons se
précipiter vers cette fenêtre dès que quelqu’un jouait du piano dans la
salle.
Ils se couchaient dans la cour, juste sous la fenêtre, et restaient là
tant que
la musique durait. Si plus tard, dans votre maison, vous avez de jolis
petits
cochons, faites-en l’expérience.
Nous avions aussi des poulets qui
connaissaient ma
chambre et qui venaient toquer la porte avec leur bec quand ils
n’avaient pas
ce qu’il fallait.
Il nous manquait un homme. N’ayant pas
d’argent, nous
ne pouvions nous permettre de prendre un ouvrier agricole. Aussi
avons-nous
fait paraître une annonce pour avoir un alsacien ou un lorrain qui
voudrait
venir apprendre le français, et nous eûmes très vite une proposition.
-5-
Un matin, à la gare de Dieulefit, nous vîmes arriver
un grand jeune homme avec un superbe gilet à fleurs alsacien, parlant
assez mal
le français, une figure souriante qui nous plut au premier coup d’oeil.
En nous
voyant, il eut l’air un peu effaré et nous comprîmes plus tard pourquoi
: sa
mère lui avait bien recommandé d’être très gentil, très poli, de se
rendre
utile car elle était sûre qu’il allait tomber chez deux vieilles
filles. Et
voilà qu’il était accueilli par deux jeunes filles (22-23 ans). Nous
nous
sommes très vite bien entendus et Emile DOURSON, “Oncle Emile”, fut
accepté par
tout le monde, Dieulefit compris.
Tout de suite, il s’est mis au travail avec
la même
ardeur que nous-mêmes, et ensemble, nous avons labouré, moissonné, pris
soin
des animaux, etc. En même temps, il fallait faire la cusine sous un
petit
auvent en plein air, n’ayant pas encore de pièce pouvant servir de
cuisine.
Petit à petit, notre maison se transformait,
des
pièces s’arrangeaient dans les greniers à foin, nos pensionnaires
augmentaient,
et notre pension commençait à ressembler à une pension et non plus à un
chantier.
Les Dieulefitois ne croyaient pas beaucoup à
notre
réussite : “Ces demoiselles qui ont toujours travaillé en ville se
figurent
qu’elles pourront faire tous les travaux nécessaires ! Nous allons
voir.”
Et ils ont vu ! Dix ans après, la pension marchait à plein, sans
interruption.
En 1927, la pension était complètement installée. Oncle Emile avait
épousé mon
amie, J. RIVARD, et avait pris avec elle la direction de la pension.
Je me sentais un peu inutile. De plus, nous
avions eu
quelques enfants comme pensionnaires, et j’entrevoyais pouvoir leur
donner une
aide plus fructueuse que celle que nous pouvions donner dans une
pension
d’adultes. Déjà, beaucoup plus jeune, je m’étais sentie concernée par
le
problème des enfants. Les enfants, en général, sont adorables jusqu’à 6
ans.
Puis les difficultés commencent et la plupart des adultes ont beaucoup
de peine
à s’adapter.
Donc je me décidais de créer une maison
d’enfants,
sachant bien que pour cela il me serait nécessaire d’avoir une
préparation
différente que celle que je possédais. Savoir faire la cuisine,
moissonner,
planter, jouer au bridge, ne suffiraient pas.
J’avais entendu parler de l’Institut
Jean-Jacques
ROUSSEAU et je suis donc partie pour Genève en Mai 1927. Quel
changement de vie !
-6-
haut de la page
Heureusement, je fis très vite la connaissance
de
Madame ANTIPOFF, Assistante de Monsieur CLAPAREDE qui m’introduisit
dans cette
communauté. Je ne savais pas très bien comment je pourrai vivre pendant
mes
études mais j’étais sûre que je trouverai une situation. M. et Mme
DOURSON
m’auraient aidée très volontiers, mais je trouve toujours qu’il faut se
débrouiller toute seule lorsqu’on le peut. J’ai pu avoir une place à la Maison des
étudiants, et il
ne me restait plus qu’à trouver du travail. Je me suis offerte à
l’Institut
immédiatement pour aider à n’importe quels travaux, et Mme ANTIPOFF,
Assistante
de Monsieur CLAPAREDE, m’a occupée au Laboratoire de Psychologie. Très
vite,
Mme ANTIPOFF m’a offert une situation rémunérée et m’a fait participer
aux
travaux du laboratoire : établissement de tests, étalonnage, tests à
faire
passer dans les écoles, etc..
L’accueil de Mme ANTIPOFF, si ouvert, si
généreux,
m’a conditionnée, je crois, pour l’accueil que j’ai pu faire plus tard
aux
visiteurs de Beauvallon. Je me suis rendue compte de l’importance de
l’accueil.
Par votre accueil, vous pouvez redonner confiance à des personnes qui
ne savent
pas trop que faire, de l’espoir à quelqu’un de découragé.
Mme ANTIPOFF m’a introduite dans le cercle des
professeurs : MM. CLAPAREDE, FERRIERE, BOVET, DOTTRENS, BAUDOUINS, et
leur
chaleur humaine, leur rayonnement spirituel, leur enseignement adapté à
notre
ignorance, m’ont ouvert des horizons immenses. Je me suis trouvée dans
une
communauté largement ouverte, sans aucune barrière, sans aucune
hiérarchie. Les
membres de cette communauté se retrouvaient à l’heure de thé sans
aucune
obligation de présence. La mission de recevoir, de présenter des
visiteurs,
était confiée à Mme SECHAYE.
Tout le monde était à l’aise ; il régnait dans
ces
réunions quotidiennes une atmosphère de fraternité très agréable pour
les gens
si divers qui y venaient. On n’y discutait pas des sujets
transcendants, mais
chacun apportait ses réflexions, ses difficultés, et beaucoup de
questions se
résolvaient grâce à ces contacts.
Nous avons continué à Beauvallon à avoir cette
heure
de rencontre et nous continuons toujours.
Tous les quinze jours à peu près, Mme ANTIPOFF
et M.
CLAPAREDE organisaient des balades de deux jours aux environs de
Genève, en
France très souvent. Pendant ces courses, nous n’étions tous que des
camarades.
Parfois, nous étions invités dans la propriété de M. CLAPAREDE.
-7-
Pour les cours, tout se remettait en place,
professeurs et élèves, et nous étions plus attentifs, plus intéressés
que dans
la plupart des cours de faculté. Cet Institut n’était pas une école. On
ne nous
enseignait rien de concret pour notre action future mais on nous
ouvrait des
horizons nouveaux sur la psychologie de l’enfant et son rôle dans
l’éducation.
On nous donnait le désir d’en apprendre toujours plus et on nous
faisait
connaître les grands psychologues du monde entier. Toujours on nous
incitait à
réfléchir, à ne pas accepter une connaissance sans que nous l’ayons
assimilée.
Que je dis mal ce que m’a apporté
l’Institut... On
nous offrait une telle richesse dans tous les domaines de l’esprit que
nous
étions comblés du point de vue pédagogique. On nous faisait connaître
DECROLY,
DALTON, PLAN, MINELKA,.... FREINET... On nous donnait le désir d’en
apprendre
beaucoup plus, et toujours la grande loi qui prime tout : l’éducation
ne se
réduit pas à telle ou telle méthode, l’enfant ayant en lui-même toutes
les
possibilités nécessaires à son développement. Eduquer, c’est créer un
climat
d’amour et de compréhension où l’enfant puisse se développer à son
rythme
propre.
FERRIERE : “Fonder une école nouvelle est
le seul
moyen pour travailler à l’élaboration d’une société future où chaque
homme
serait à la hauteur de ses devoirs d’homme et serait à sa place propre
dans
l’économie humaine. L’adulte n’est pas là pour vouloir en son nom
personnel,
pour exercer une autorité arbitraire, il est là pour favoriser le
vouloir bon
de l’enfant au nom des valeurs spirituelles : Amour - Raison - Vérité.
Il doit
être celui qui éclaire la conscience de l’enfant et qui permet à cette
conscience de croître et d’imposer son pouvoir. Son autorité ne peut
être
qu’une autorité morale.”
FERRIERE : “Quel plus beau métier que
celui
d’éducateur qui vous oblige pour avoir une autorité morale reconnue par
l’enfant, à vous élever vous-même, à cultiver en vous ces mêmes
qualités
morales dont vous leur parlez.”
Je me rends compte encore maintenant que
j’ai été
conditionnée par cette vie à l’Institut et que notre Ecole de
Beauvallon est
vraiment fille de l’Institut. Je n’ai pas l’impression actuellement que
les
écoles d’éducateurs imprégnent si fortement leurs élèves.
La Maison des
étudiants a beaucoup compté aussi dans ma vie. J’y rencontrais des
étudiants
suisses et étrangers qui suivaient à Genève des écoles différentes de
l’Institut, et nous discutions de nos diverses disciplines dans un
climat
d’amitié et de fraternité.
-8-
haut de la page
L’été, nous allions nous baigner à la
plage du lac.
C’était pour moi un immense plaisir car j’avais toujours désiré me
baigner et
apprendre à nager. A cette époque-là, à Dieulefit, les bains de rivière
et de piscine,
quand il y en avait, n’étaient pas très admis pour les femmes. Aussi, à
Genève,
j’ai eu comme une libération complète. A l’Institut, j’avais éprouvé
une
libération intellectuelle, et au bord du lac, je me suis libérée de
tous les
interdits physiques que je ne comprenais pas.
En apprenant à nager, je me suis promis qu’à
l’école
que je construirai nous aurions une piscine en même temps que la
maison, et
c’est ce que nous avons réalisé. Vraiment, ces deux années à Genève ont
été
pour moi un enrichissement à tous les points de vue, et je ne sais pas
comment
exprimer la reconnaissance que j’ai pour tous mes professeurs et
spécialisement
pour M. CLAPAREDE et Mme ANTIPOFF. Naturellement, à la Maison des
étudiants, je
parlais beaucoup de ce qui se passait à l’Institut et de tous nos
projets.
J’ai rencontré, en Mlle Catherine KRAFFT,
quelqu’un
qui s’est enthousiasmée autant que moi pour tout ce que j’espérais
faire, et
nous n’avions jamais assez de temps pour tâcher de concrétiser nos
espérances.
Je me rappelle que nous avions désigné des enfants par des noms
immaginaires et
nous leurs parlions comme à des personnes vivantes. Petit à petit, le
désir
d’emmener Mlle KRAFFT se faisait plus conscient. Mlle KRAFFT, avec son
sens de
la mesure (que je n’avais pas beaucoup), de l’organisation d’une
maison, me
paraissait une associée indispensable, et je lui avais proposé
d’abandonner sa
place de Directrice et de venir avec moi à Dieulefit. Elle a accepté et
nous
avons pu faire des plans plus précis.
Nous voulions bâtir cette école en pleine
campagne
mais aussi pas très loin d’une grande ligne de communication car notre
école
devait s’ouvrir facilement au monde extérieur. Nous ne voulions pas
bâtir cette
école sur le modèle des internats français donc, dans nos plans, nous
prévoyons
des petites chambres pour nous-mêmes et les professeurs puisque nous
voulions
former une grande famille. Je pensais aussi que Dieulefit serait le
lieu le
mieux adapté à la réalisation de nos plans.
Pour ceux qui liront ces quelques pages et qui
ne
connaissent pas Dieulefit, je ne peux mieux faire que copier une
description
faite par Andrée VIOLLIS, auteur de “S.O.S. Indochine” entre
autres, et
qui s’est réfugiée à la pension de Beauvallon pendant la guerre.
-9-
En 1928-1929 (?) juillet : Mlle KRAFFT et
moi-même
nous quittions Genève. La pension, naturellement, nous accueillit et
mit à
notre disposition un pavillon pratiquement indépendant du reste de la
maison.
Nous amenions avec nous de Suisse un adorable petit vaudois de 2 ans
pour qui
je fis très vite les formalités d’admission (adoption ?) et Fernand
SOUBEYRAN
fut le premier fils de notre maison d’enfants. Nous avons eu tout de
suite des
enfants : un asmathique, un psychotique grave, des enfants dont les
parents ne
pouvaient pas s’occuper : en tout, six enfants, et nous commencions à
chercher
l’emplacement de notre future maison.
Nous trouvons tout de suite un terrain
très boisé,
dans une petite vallée avec un adorable petit ruisseau : le rêve de
beaucoup de
personnes. Enthousiasmées, nous l’achetons immédiatement (ne vous
pressez
jamais d’acheter avant d’avoir deux ou trois solutions). Et puis, après
y être
allées plusieurs fois, nous nous rendons compte que c’est un lieu
renfermé sur
lui-même et que, pour nos enfants, ce serait comme fuir la vie sociale,
les
contacts, etc. Cela sera, au contraire, un très joli terrain de jeux.
Nous repartons en chasse et, un peu plus loin de
Beauvallon, nous trouvons un champ complètement nu, adossé au nord à
des
petites collines, avec une ouverture sur la vallée de Dieulefit. Pas de
route
pour y arriver : ça, ce n’est pas grand chose, une route est vite
ouverte. Mais
le plus grave, c’est qu’il n’y a pas d’eau. Le propriétaire nous donne
la
permission d’y creuser un puits avant d’acheter. Avec un sourcier, nous
trouvons l’eau à plusieurs endroits et nous creusons un puits avec
succès.
Nous pouvons acheter, nous ouvrons la route,
nous la
traçons jusqu’à l’endroit où nous voulons construire la maison. Et
bien, c’est
une chose très difficile que de tracer une route : il faut la faire
toute
droite à travers le champ, ou tout autour du champ pour que le devant
de la
maison soit plus dégagé ? Nous décidons de traverser le champ tout
droit, mais
avant d’arriver à l’endroit choisi pour la maison, nous découvrons
quatre
petits pins de 80 centimètres à un mètre.
Nous ne
pouvons pas les abîmer,
les seuls petits arbres de notre champ, et nous infléchissons notre
route à
droite pour aller
tourner devant la maison et redescendre. En faisant cela, nous
délimitons un espace en forme de coeur que nous avons toujours gardé et
qui s’appelle toujours ainsi. Nous commençons à tracer les limites de
la maison et je revois encore le moment où Mlle KRAFFT et moi-même,
avec une ficelle, une grande équerre et une boussole, nous avons
déterminé l’emplacement exact, l’orientant sud-est. Qu’elle nous
paraissait petite, notre école, délimitée par quatre ficelles, mais
quel amour déjà pour cette future maison où nous espérions tant donner
du bonheur à des enfants.
-10 -
haut de la page
Nos plans étaient déjà presque au point. Nous
n’avons
pas pris d’architecte : où aurions-nous pris l’argent ? Mais notre
maison ne
tombera pas sur le dos des enfants. Le frère de Mr DOURSON était
ingénieur et a
pu nous calculer la résistance des poutres, de la charpente et des murs.
Mr VEYRIER, entrepreneur à Dieulefit, veut
bien venir
nous aider, et nous commençons enfin. Pendant un an, cette construction
fut le
grand centre d’intérêt de tous nos enfants. Une fois la classe finie,
nous
partions à la construction et quelles bonnes leçons de choses pouvaient
se
donner sur place !
Notre psychotique, Laurent, passait des
heures
allongé le plus loin possible sur une poutre. Au début, nous avions
peur, mais
il ne lui est jamais rien arrivé et nous l’avons laissé faire.
Nous empruntions, au fur et à mesure, à nos
amis
dieulefitois, à ma famille, l’argent nécessaire. Je viens de retrouver
des
anciens livres de comptes. On nous a prêté en tout 180 000,00 F.
La
réussite de la pension me facilita beaucoup tous ces emprunts.
Dieulefit
commençait à avoir confiance dans nos projets
Nous n’avions pas pris les tuiles romaines,
car je me
souvenais trop comment dans mon enfance il fallait à chaque grosse
pluie monter
dans le grenier avec des cuvettes à mettre sous les goutières. Aussi,
nous
avions acheté des évrites de Bourgogne qui n’avaient pas ces
inconvénients.
Personne n’était très au courant de la pose, aussi, lorsqu’on a
commencé à les
poser, j’allais m’asseoir sur le toit avec Mr VEYRIER et, ensemble,
nous
étudiions les plans. Et finalement, ces évrites ont été bien posées.
Il me fallait aussi faire des démarches pour
l’ouverture de notre maison. Nous voulions recevoir garçons et filles
depuis
l’âge de 3 ou 4 ans jusqu’à 16 ans.
Comme nous voulions créer un milieu familial,
nous ne
pouvions concevoir de faire une “caserne” pour les garçons ou un “bon
pasteur”
pour les filles. Mais la mixité n’était pas encore rentrée dans les
moeurs et
on nous refusait l’autorisation. Après plusieurs démarches
infructueuses, nous
avons tout de même trouvé une solution d’accord avec les autorités.
Notre
internat serait agréé par la Santé comme préventorium qui pouvait
être mixte, et nos
classes seraient agréées par l’Education Nationale. Etant à deux
kilomètres de
Dieulefit, ces classes pouvaient être mixtes. Vous voyez qu’avec de la
persévérance et une conviction inébranlable, tout peut s’arranger.
- 11 -
Il est vrai qu’il y a de cela 50 ans et qu’à
cette
époque, nous étions moins embourbés dans l’administration qui était
encore
humaine.
En Juillet 1931, nous pouvons enfin prendre
possession de notre maison. Et pendant l’été 1931, nous étions plutôt
une
pension d’adultes : des dames de Lyon s’occupant d’éducation sont
venues passer
leurs vacances ici.
Mme ANTIPOFF était partie pour le Brésil pour
porter
là-bas les idées de CLAPAREDE et elle nous avait confié son fils Daniel
qui
avait 11 ans.
Dès Octobre, nous avons eu des demandes
d’enfants.
Nous avions envoyé à des médecins que nous connaissions un petit résumé
de ce
que nous voulions faire : une Ecole nouvelle d’après les principes de
l’Institut Jean-Jacques ROUSSEAU à Genève.
Nous avions fixé un prix variant entre 300 et
500 F
par mois et par enfant.
Nous ne voulions pas faire de bénéfice et notre prix était calculé pour
obtenir
un prix moyen suffisant pour couvrir nos dépenses.
Nous avions pour nous aider une jeune
suissesse et
une de nos amies de la
Maison
des étudiants. Pendant la construction, un ouvrier s’était
particulièrement
intéressé à ce que nous faisions. C’était un Dieulefitois connaissant
tout le
monde, à Dieulefit aussi bien qu’à la campagne. Nous lui demandons de
rester
avec nous pour nous aider pour le jardin, le ravitaillement et il ne
nous a
plus quittés jusqu’à sa retraite. Il a été un collaborateur
inappréciable.
Ce qui me frappe en écrivant ces souvenirs,
c’est la
quantité de personnes qui surviennent au bon moment, qui se mélangent à
notre
vie et nous apportent l’aide dont nous avons besoin.
Il faut avoir confiance dans la vie.
Naturellement, pour créer notre communauté de
style
familial, nous ne nous sommes jamais considérées comme des
“directrices” mais
comme des amies qui étaient là uniquement pour aider les enfants que
l’on nous
confiait. Il fallait trouver un nom pour nous faire appeler et nous
avons tous
été d’accord pour “Tante Marguerite”, “Tante Catherine”, et nour
appelions les
collaborateurs par leur prénom. Plus tard, nos enfants adoptifs nous
ont
appelées “Mamie” et “Atie” et ce sont les noms que nous portons encore.
-
12 -
haut de la page
Le tutoiement nous paraissait absolument
normal mais
ce n’était pas une obligation ; nous avons eu des enfants qui
vouvoyaient leurs
parents et qui ont continué avec nous. Plus tard; un de nos
collaborateurs nous
disait : “Mais vous n’avez pas peur que ce tutoiement nuise au respect
que les
enfants devraient avoir ?” Il n’avait pas compris que le respect est
inspiré
par la valeur de l’individu et non par les signes extérieurs, ce
tutoiement ne
portant nullement atteinte au respect que les enfants nous témoignaient.
Nous mangions avec eux naturellement, nos
chambres
étaient au milieu des leurs et tout ceci ne nous pesait absolument pas.
C’était
nos enfants et nous avions simplement la joie d’avoir une grande
famille. Il
n’était pas question naturellement d’heures de travail ou de liberté :
nous
vivions tous ensemble, c’est tout. Nous voulions que nos enfants
participent
vraiment à toute la vie de notre communauté.
Cette communauté, nous la construisions
ensemble, il
nous fallait donc un organisme où nous puissions être en contact, où
nous
puissions discuter les nécessités de notre vie en communauté, nos
difficultés,
et nous avons institué une “assemblée” hebdomadaire qui réunirait tous
les
habitants de la maison, où tous auraient droit à la parole, où des
votes à
mains levées sanctionneraient les décisions proposées. Je présiderais
moi-même
ces réunions.
Nous nous sommes donc réunis, nous avons
expliqué ce
que nous voulions faire et pourquoi. Notre première assemblée était
née, et
depuis 1931, nous n’avons pas passé une semaine sans assemblée.
Là encore, chez nos aides, chez nos enfants,
nous
avons trouvé une coopération qui ne s’est jamais démentie, et cette
assemblée
est devenue et est restée le centre de notre vie communautaire.
Là, très vite s’est posée la question des
responsables pour aider les plus jeunes, les plus inconscients.Nous
avons eu la
chance d’avoir de grandes filles et de grands garçons qui sortaient de
l’ordinaire, deux surtout : Gaby et François, qui ont été pour nous des
aides
incomparables. Il fallait trouver des noms et, après beaucoup de
discussions,
c’est le mot “préfet” qui a été retenu à cette époque, et mes deux
préfets ont
très bien rempli leur fonction. Ensuite, nous avons eu des “ministres”
et des
“juges de paix”.
Toute cette organisation était vraiment
passionnante
et j’en garde un souvenir qui éclaire toute ma vieillesse.
-13 -
Nous avions des classes et, à côté du travail
scolaire, nous organisions le jardin, nous plantions des arbres,
presque trop
puisque maintenant nous nous demandons si nous ne ferions pas bien d’en
élaguer
quelques-uns.
Pendant ces premiers mois d’existence, nous
avons eu
déjà des imprévus : un groupe de jeunes allemands, garçons et filles,
qui sont
venus pour trois semaines. Et comment sont-ils venus ? Je n’en sais
plus rien !
Notre docteur, Monsieur LUIGI, arrive un jour
: “Venez
vite avec moi à La
Bégude... J’ai eu à soigner une femme que l’on a
hospitalisée
après qu’elle eût mis au monde deux jumeaux qui ont été mis chez une
nourrice à
La Bégude,
mais ils me semblent très mal en point.” Nous allons avec lui à La Bégude et nous
trouvons
deux pauvres bébés de 1 ou 2 mois dans un état vraiment pitoyable. Nous
ne
pouvons pas les laisser là et nous les avons ramenés à Beauvallon.
J’étais
infirmière et M. LUIGI avait confiance dans mes capacités. Nous les
avons
gardés deux ou trois mois, jusqu’à ce qu’ils soient à peu près
d’aplomb.
C’était pour nos enfants un bon centre d’intérêt.
Un matin, j’entends Gaby, affolée, m’appeler
: “Tante
Marguerite, viens vite, viens vite, les bébés ne respirent plus !” Vous pensez si je cours... et ils n’avaient
pas en effet l’air trop éveillé, mais ils respiraient encore. Nous les
avons
sortis d’affaire, mais là encore, nous avons expérimenté que l’Amour
est encore
le meilleur remède (avec les soins appropriés). Nous avions
l’impression que
nous devions les tenir dans nos bras pour retenir la vie en eux. Ils
sont
repartis en bon état chez une nourrice bien choisie et nous avons eu de
leurs
nouvelles quelque temps après. C’était de beaux bébés.
Et avec tous ces imprévus, il fallait tout de
même
faire la cuisine (mon domaine), le ménage (c’était celui de “Tante
Catherine”)
et les leçons car nous faisions la classe. Je me demande maintenant
comment
nous arrivions à faire tout cela. Je n’ai pas du tout le souvenir
d’avoir été
épuisée et découragée. Au contraire, ces premiers mois me laissent des
souvenir
lumineux.
Et pendant ce temps-là, notre piscine se
construisait
: 20 mètres
sur 9 mètres,
profonde de 1,20
mètre
en haut et 2 mètres
dans le fond. Nous n’avons pas vu trop étriqué...
Une question se posa à nous assez vite.
Comment
devions-nous organiser le ménage ? Chaque enfant faisait son lit
naturellement
et rangeait ses affaires personnelles.
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haut de la page
En discutant cette question avec eux, nous
avons été
amenés à préciser que dans une communauté comme la nôtre, il était
indispensable que tous les membres de la communauté prennent leur part
dans les
travaux ménagers. Les enfants ont très bien admis ce point de vue et, à
l’assemblée, le travail de la maison se répartissait entre tous.
Nous nous sommes aperçus très vite que les
Français
ne mettent pas facilement leurs enfants en pension lorsqu’il n’y a pas
une
nécessité profonde.
Nous avions choisi de nous occuper d’enfants
intelligents,
non pas que les “débiles” ne soient pas intéressants (et on peut leur
consacrer
notre vie), mais chaque être a une fonction à remplir qui lui est
propre en vue
du but que l’on s’est fixé. L’école nouvelle, pour nous, était une
préparation
à la vie et le moyen de former des citoyens dignes de ce nom. Nous
voulions
nous occuper d’enfants qui, une fois récupérés, apporteraient quelque
chose à
la société
Vous allez penser que notre but était bien
ambitieux,
mais nous pensions (et je pense encore) que chacun de nous a une tâche
à
accomplir, si petite soit-elle, pour essayer d’apporter plus de
justice, plus
d’égalité, plus de vraie démocratie dans le monde. L’énormité de la
tâche, et
en même temps notre petitesse, ne m’effrayaient pas.
Si chacun, dans le cercle où il est placé,
consacrait
sa vie à cette tâche, j’ai la conviction profonde que le monde entier
marcherait mieux. Et cette conviction ne m’a pas quittée car c’est elle
que
j’essaie d’inculquer à nos enfants. Si nous faisions tous régner la
paix autour
de nous, la paix mondiale serait peut-être proche. J’avais déjà écrit
ces
lignes il y a quelques années, mais si je les remets ici, c’est que j’y
crois
encore.
Nous avons donc eu, au départ, des enfants
que l’on
nous confiait par ce que, même intelligents, ils ne suivaient pas en
classe,
parce qu’ils avaient besoin d’un séjour en pleine campagne, parce que
les
parents, divorcés, ne pouvaient pas les garder avec eux, ou parce
qu’ils
volaient à la maison ou à l’école. Ce n’était pas des psychotiques et,
pendant
les dix premières années de l’Ecole, nous n’avions pas d’enfants
vraiment
difficiles.
Ils venaient de tous les coins de France.
Ceux qui
restent vivants dans mon souvenir sont ceux qui se sont mêlés très
activement à
la vie de notre communauté : nous avons eu quatre petits Russes de
l’Ambassade
soviétique : l’un d’entre eux, Stéphane (13 ans) animait les assemblées
par ses
interventions, ses propositions.
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Je le vois encore sur la porte de la salle à
manger,
haranguant ses camarades déjà assis :”Vous faisiez un boucan
effroyable, “Tante
Marguerite” apparaît à la porte et, plus de bruit ! Il vous faut
quelqu’un pour
vous taire et appliquer les lois de l’assemblée. Vous n’êtes pas
capables
d’être responsables de vous-mêmes !” (et tous les enfants baissaient le
nez).
C’est sur son initiative que nous avons
inauguré un
journal. Sous son impulsion, ce journal a été pendant quelque temps un
ferment
dans l’Ecole pour ses critiques, ses conseils. Après son départ, il est
devenu
plus littéraire avec nos écrivains et nos poètes.
Nous avons eu très vite des collaboratrices
avec qui
nous avons pu travailler en parfait accord :
- Mlle SCHLUSSEL, qui s’occupait de
l’imprimerie du
journal et enseignait des travaux manuels, le dessin, le pipeau. Nous
avons eu
un véritable orchestre de pipeaux soprano alto après avoir appris aussi
à les
construire.
- Mlle CHABANES, sortant de l’Ecole Normale,
avait
une classe primaire et appliquait la méthode Montessori avec succès.
Nous
avions eu pendant un an une “montessorienne” convaincue qui nous avait
laissé
un matériel important. Et la vie continuait avec des apports extérieurs
de
toutes sortes.
Il est vraiment étonnant combien une Ecole
largement
ouverte bénéficie de cette ouverture pour s’enrichir d’une façon
extraordinaire.
Notre second enfant adopté, par Mlle KRAFFT
cette
fois, nous est amené à 4 mois par Mlle SCHLUSSEL, et une joie de plus
nous
était offerte.
Très vite, la maison est trop petite. Nous
sommes
submergées de demandes. Nous ne faisons aucune propagande mais nos
enfants s’en
chargent. Nous sommes donc obligées de construire, pendant l’hiver
1934-35,
notre deuxième maison à une vingtaine de mètres de la première, un peu
sur le
même modèle, mais sans cuisine ni salle à manger, des classes au
rez-de-chaussée
et des chambres au premier.
Des amis désirant quitter Paris et
s’intéressant à
notre travail, viennent habiter cette seconde maison.
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En Octobre 1935, Mr ARCENS, licencié en
droit, ouvre
une section d’études secondaires, ce que je n’avais pas pu faire,
manquant des
titres nécessaires. Nous acceptons alors des filles et des garçons plus
âgés.
Notre assemblée hebdomadaire continue à unir
toute la
maison dans l’élaboration des lois, l’établissement des responsabilités.
Les responsables sont toujours appelés
“préfets” mais
il leur est adjoint des ministres de l’intérieur, des études, etc.
En Octobre 1936, Simone MONNIER vient nous
rejoindre,
venant de l’Institut Jean-Jacques ROUSSEAU. Elle y a travaillé surtout
avec
Piaget, et a les mêmes idées que nous sur l’éducation. Elle nous
apporte tout
le côté artistique qui nous a manqué jusque-là : musique, dessin, art
dramatique, et sa venue est pour nous un grand enrichissement.
Beauvallon
devient sa maison et elle va s’attacher à y développer toutes ces
activités
jusque-là négligées mais qui sont primordiales.
Nous sommes encore à l’étroit et, en 1938-39,
nous
faisons construire une addition au dos de la petite maison : salle de
jeux et
imprimerie au rez-de-chaussée, chambres et salle de douches au premier.
Pour
nous, ces constructions ont été plus faciles à faire que les premières,
et je
voudrais dire que tous ceux ou celles qui veulent organiser une maison
d’enfants, ne doivent jamais perdre courage car, si les débuts sont
difficiles,
tout devient plus facile si l’enthousiasme ne fléchit pas. Un succès en
appelle
un autre, des amis de plus en plus nombreux se groupent autour de vous
et vous
pouvez aller de l’avant en toute confiance.
Mr et Mme ARCENS nous quittent pour aller
eux-mêmes fonder
l’Ecole de la
Roseraie
à Dieulefit.
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